baby alone in babylone III

17 juillet 2010

Babylone, j’y suis enfin.

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Tu m’as accueillie malgré mes épaules décharnées et mon ventre rond.

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Babylone, j’ai pris place dans ta parole et j’ai erré à la recherche de mon double. L’attente perforée par la peur, le désir d’évasion paradoxal et le trop-plein m’électrisait même si ma tête fléchissait sous la probabilité d’un échec.

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Babylone fucked up, j’ai bu ma honte et fumé mon désarroi devant mon corps qui prenait une autre forme. Babylone, suis-je toujours aussi belle ? Babylone, serais-je toujours baby alone in Babylone ? Je traîne ce corps qui captive les yeux des hommes, mais je voudrais ne plus rien avoir. Je n’aime plus, Babylone.

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J’étais baby alone in Babylone et tu m’as nourrie comme tu nourris tous les autres qui viennent à toi. J’avais mes os, pour ainsi dire. Tu m’as donné une peau.

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L’anonymat s’est transformé en grésillements, en murmures et en caresses; Babylone, nous avons appris à aimer les visages. Les silhouettes effacées reprennent vie sous mon regard comme quand je peins à l’eau claire une peinture séchée. Les couleurs ternes tournent aux vives. Il fallait laisser du temps, il fallait laisser poser les objets et voir la vie.

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Babylone au carré, j’ai passé au peigne fin ma souffrance; tu as soufflé sur cette dernière. Tu l’as attisée; tu l’as étouffée. Tu m’as dit de recommencer à zéro. Il fallait tout vider. Tout. Il fallait avorter ma peur; il fallait que je pose des balises et que je trace une nouvelle voie; une nouvelle voie qui viendrait de toi.

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Je ne vois encore que des copies, mais pas d’originaux, mais j’ai confiance à Babylone. La terre y est fertile.

délire insomniaque III

7 juillet 2010

On m’a dit : tourne à fauche, puis encore à gauche. Tu le trouveras là, assis à une table devant son ordinateur. Tu devras ensuite dire : « Je vous trouve très beau. » Au final, tu te retrouveras dévêtue en train de gémir comme une enfant qui voudrait ravoir une seconde glace à la vanille.

Pourquoi courir puisqu’ils viennent à moi ? J’ai continué tout droit. Je me sens pétiller de l’intérieur – comme une boisson gazeuse que l’on aurait agiter trop fébrilement. Je dois comprendre. Il y a bien quelque chose,-mais quoi ?

Le corridor est étroit mais très haut. Je parviens avec peine à délimiter le plafond du mur. Ma voix imprime ma présence. IL faut cesser de pleurer et de crier.

Je suis née de ça ; je suis née de l’étrangeté de l’abandon. Du cordon. Des eaux. De la porcelaine. De ma voix de moi à toi.

« Ma petite poupée-enfant-fleur. Ma petite poupée-enfant-fleur. »

J’ai un goût de vanille dans la bouche et je sens que des gouttes d’eau perlent sur les murs.

Je ne veux pas retourner à la terre. Je ne me nourrirai plus. J’oublierai mon prénom. Sans ma parole, je m’effacerai. J’abdiquerai.

Il écrit frénétiquement devant son ordinateur. J’ai failli.

Mais je n’ai plus l’usage de la parole. J’observe et m’estompe peu à peu. Le cordon est rompu. Étrangeté de l’abandon.

J’éteins mon délire comme une chandelle qui vacille.

la femme debout

30 juin 2010

Je m’inscris discrètement dans l’espace.

De mon œil à l’inespéré. J’économise l’air qui m’entoure. J’affine mon regard et ma raison d’être. Je m’allonge comme le trait que l’on tire à la fin d’un chapitre. Je m’appuie sur un monde qui s’écroule et ma fragilité me fait redouter le pire. Je suis comme anonyme, comme un personnage sans nom qui porte l’histoire en elle-même. J’ai le visage des autres. Je ne suis qu’une présence. Effacée, mais pas absente.

Aujourd’hui, je suis la Femme debout de Giacometi.

l’anonymat à babylone

28 Mai 2010

Pour les Babyloniens, le nom recelait l’essence de l’être. Devant des étrangers, ils ne divulguaient jamais leur véritable identité. Ils portaient tous un surnom. À vrai dire, rien n’a véritablement changé depuis Babylone. L’identité est scellée et souvent oubliée. C’est l’histoire d’une vie, se façonner son identité ou la découvrir, du moins. Nous errons devant un éventail de surnoms.

aube

20 Mai 2010

La mélancolie ne me rattrape jamais le soir. Je me délecte de mes dernières heures avec bonheur, vivacité et appétit. Je m’engage dans mon lit avec l’espoir de jours meilleurs. Je dors paisiblement et avec l’âme en paix. Le soir est gonflé de promesses et de rêves.

Le matin, à l’aube, les morts pénètrent à ma fenêtre. L’aube apporte le retour à la réalité. Je suis amortie par cette dernière; je n’y vois pas d’issu possible; les jours doivent passer. Les heures sont à compléter : bonnes ou mauvaises. Les souvenirs surgiront et les obstacles s’enchaineront devant moi. Ne sait-on jamais une brèche vers un ailleurs beaucoup plus recommandable pourrait surgir.

Chez les peintres classiques et baroques, l’aube était synonyme de mort. La lumière des premiers rayons matinaux n’avait rien de beau en soi, n’avait rien de vivifiant. Elle rappelait la grande faucheuse; les morts se comptent à la lueur du jour. La lumière dénude et fait saillir toute forme d’horreur. Le clair-obscur apparaît comme une mort dévoilée. Il suffit de contempler les œuvres du Caravage et de Rembrandt pour constater à quel point l’aube est effrayante et violente.

Pour ma part, je voudrais demeurer dans le hors champ et m’y taire et laisser les gens évoluer autour de moi. Je n’ai plus de place dans la lumière; elle m’effraie. C’est une lutte constante entre le moi et l’autre-moi. Le hors champ ne promet rien et laisse la place au rêve. L’aube ramène la réalité au réel; le monde des possibles est réduit; la mélancolie contamine l’espoir.

Le café bourdonne sur la plaque chauffante. Je quitte l’appartement et m’engage dans le métro. En examinant le visage des gens, je me rends bien compte que la mort a épargné certaines personnes. Cependant, leurs yeux éteints et leur parole vide m’indiquent qu’ils sont à deux pas du gouffre. À deux pas d’une aube qui ne pardonnera pas.

baby alone in babylone II

11 Mai 2010

Je viens d’atterrir à Montréal. Ce n’est qu’un retour aux sources, mais, en moins de deux jours, tout a déboulé. La vie m’offre une seconde chance. Je suis nouvelle à nouveau. Je dois me recréer un univers, dessiner et décider un monde à moi, à mon image. Je suis celle à qui l’on a donné un cadeau, celle  à qui l’on a pardonné.

Je m’offre la vie.

Babylone, je suis ici.

baby alone in babylone I

11 Mai 2010

Il y a longtemps que nous nous connaissons. Tu me parles toujours au creux de l’oreille. Notre amour est sans visage; l’amour physique est sans issue. Nous avons tissé une toile avec le chaos qui t’habite et qui m’habite. J’ai tracé mes errances avec ton parfum, avec tes parfums. J’ai cessé de pleurer dès l’instant où j’ai su que tu t’étais infiltré par la porte arrière. Tu as donc toujours été familier et étranger. Ici, il y a tout et nous avons craint ton image trop aisément. Unique et identique, j’ai le visage pâle et la lèvre qui chante. Je suis autant ta fêlure que ton génie. Tu es l’hibris. Des jardins immenses au balcon, des détours, mûrs et seuls; nous avons créé ton mythe. Tout est en mouvement, mais tu es toujours ici et là dans une sorte d’imbroglio sensuel. J’erre parmi tes personnages, tes figures. J’en suis, je ne m’en sors pas. Nous avons découvert la violence qui a découpé tes traits. Si les visages se poussent et s’attirent, s’attristent et se dévorent, s’illuminent et s’éliminent : c’est à cause de toi. Je n’ai pas de mot; je n’ai que mes yeux pour dire. Je m’acharne à me fondre dans ton chaos; mais j’en suis un élément. Tu es l’Histoire que l’on a découverte, tu es l’Histoire à découvert. Tu existes depuis hier. Aujourd’hui, j’ai dû t’aimer : je dois survivre. Nous avons bu des herbes et tu as allumé une bougie. Tu chantais et j’ai senti monter en moi l’origine, le jour de ma création. Je n’ai pas eu peur, même si je tremblais. Nous avons signé l’armistice. Tu aimais la blancheur de ma peau, tu m’as dit. Tu aimes toutes les peaux. Hier, je ne connaissais que la mienne. I’m baby alone in babylone. We know each other since the beginning.



délire insomniaque I

26 avril 2010

Je suis un délire d’insomniaque.

J’arrive tac tac tac la dactylo. Je te tue et tu me tutoies. Ta rudesse ne m’effraie pas. J’aime les maux. Nous nous saluons tac tac tac.

Il faut dire que ça prend bien du courage pour en arriver jusque-là. J’embue mes idées d’alcool poreux. Tac tac tac. Je décline toutes les ramifications possibles des délires les plus fous. Et je ne suis pas folle. Ça pue l’yable et je m’allume une cigarette en attendant que ça cesse.

Tac tac tac. Je suis lourde de crier à l’injustice. J’ai tout calculé; tout échappe. Sublime mathématique. J’hyperbole le langage et ma folie. Je désaxe les miroirs. J’attends l’ankylose. J’attends qu’il y ait foudre. Sidérée et paniquée, tac tac tac, je serai Emma.

Ciao bye. J’en ai marre de frapper dans le vide. Coup obligé, même si la lettre n’opère plus. La machine désirante trouve l’incompatibilité de la conscience. Où de l’inconsistance ? Je suis une soupe alphabet qui assèche et rend muet. Tac tac tac ah pis franchement !

Les oiseaux ne portent plus rien. Tac tac tac et je sais que les ailes coupées et ils deviendront sans voix. Il y a des échos tac tac tac des échos tac tac tac.

Un homme entre au creux de mon antre. Il a des lunettes et je le vois. Nu et nue : il n’y a plus rien à faire. J’en ressors. Habillée. Il en frissonne encore. Il voulait ma peau. Tac tac tac. J’ai goûté la sienne.

J’obscurcis l’idée du néant. Franchement. J’aurais pu faire mieux tac tac tac. Il y a des squelettes dans la baignoire et je me pique une cigarette. J’efface avec la mine de ma tête. Je suis blême. Vide et livide, tac tac tac j’entreprends de compter le nombre de pilules. Fallait y penser.

La dactylo semble fondre sous mes doigts. Particulièrement les index et les majeurs. J’arthrite mon plaisir à divaguer. Je suis à la page. Une plage blanche. Tout est devenir.

Croche et noir. L’encre et la pieuvre. La dérive n’amène que mon extase qui s’amplifie. Trop-plein avant la marée basse. La vase est lourde sous mes pas tac tac tac.

Je déraille, mais pas la dactylo. Je ne m’estompe pas. J’estampe ma fêlure. Tac tac tac Sylvie-Anne porte un grand pull blanc avec rien en dessous.

Tac tac tac l’apocalypse ne la fera pas fléchir cette fois-ci. La réalité peut bien rejoindre le réel. Ça ne sera que plus magnifique. Dispersion et contamination. Une odeur d’acétaminophène, de mercure et de chlore sature l’antre tac tac tac.

Je suis encore nue et l’homme à la culotte grise me sourit tac tac tac et souffle sur ma lentille cornéenne. Je ne fléchis pas et il porte à sa bouche un café trop sucré et dilué dans de la crème surie. Tac tac tac. Il regarde ma dactylo.

Tac tac tac et les marteaux frémissent sous mes pensées incongrues. Tac tac tac. Taches et fluide. La machine est inopérante. Je ne désire plus.

il neige

17 avril 2010

Mais je suis heureuse d’être encore vivante.

J’ouvre la fenêtre et le soleil n’arrive pas.

Il ne faudrait plus se réveiller ensemble.

Ici, le froid pénètre dans mes pores, mais ce n’est pas effrayant.

La mort embellit et conserve.

Un voile de cire sur une histoire.

La vie continue et je tourne mes yeux vers le ciel.

Une neige d’avril; le printemps recule.

Ton corps, ton rire

Mon sourire, mes hanches.

J’erre dans ma tête comme dans un champ de mines.

Les chemins se croisent et se décroisent (nous nous reverrons).

Ça aura été parfait.

On y aura cru à ce printemps.

Je t’aime, moi non plus.

4 avril 2010

-Je suis existentialiste.

Je suis moderniste.

-En somme, nous mènerons une vie esthétique.

En somme, nous mènerons une vie éthique.

-Je t’aimerai.

Moi non plus.

-«Je vais et je viens entre tes reins. »

«Tu vas et tu viens entre mes reins. »

-Pour continuer de vivre l’un sans l’autre, il nous faudra faire taire le plus fort.

Ce sera un amour catalyseur.

-Nous aurons tellement mal, mais nos corps bouillerons dans leur fusion.

Nos corps seront si proches que l’un de nous devra y laisser sa peau.

-Ce sera Hiroshima, mon amour.

L’amour n’existe pas, nous le créerons à ton image, pour qu’il soit aussi sublime que tes seins. Ce sera un amour sain.

-«Au jazz comme en amour, il n’y a pas de demi mesure. »

Tu m’embrasseras et je fonderai sur place, puis je serai sublimée par tes mots.

-Nous partirons demain, à la même heure, tu mettras ta robe rouge avec rien en dessous.

Une robe rouge pour une révolution amoureuse.

-Ça sera comme dans Bonnie and Clyde.

Je serai Jane Birkin et toi, tu seras Serge Gainsbourg.

-Je serai Martin Heidegger et toi, Hannah Arendth.

J’aurai ta cigarette au bec.

-«Elle aura ma mort au bec »

Nous serons et nous deviendrons.

-Nous existerons et nous serons.

« L’existence précède l’essence. »

-« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

Je me cherche et je t’ai trouvé.

-Je bois, je fume, je lis et j’oublie.

Je me maquille, me démaquille, m’habille, me déshabille.

*

Tu chantes tellement bien que j’oublie que c’est ta voie.

-J’ai perdu mes clefs.

Tu ne chantes déjà plus ?

-Je suis une actrice.

*

J’aurai attendu de toi un signe, un rire. Tu es morte dès que tu es entrée en moi.

-« Tu vois, nous avons le fou rire, déjà, on ne communique plus. »

*

«Bon Dieu que c’est triste Orly le dimanche avec ou sans Bécaud.»

-Je t’attendrai à place des Abesses. Nous irons au Deux Magots et tu ne boiras rien. Je prendrai un café et tu fumeras une cigarette en me soufflant au visage pour ne pas voir mes yeux qui ne brillent plus. Oui, déjà, ils ne brillent plus et tu ne t’en rendras même pas compte.

– «Je n’ai pas de vie réelle, je n’ai que des idées.» C’est pour cela que notre histoire n’existera pas.

*

-Aujourd’hui, on lit Brecht.

Sylvie-Anne, je trouve que tu marmonnes trop. On ne t’entend plus.

«Quelle est mon ambition dans la vie ? Devenir immortel et mourir. »

-Notre amour et la roulette russe.

« Moi, j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang.»

-Je vote le Statut Quo.

Pourquoi pouvons-nous rien faire qui soit concret ?

-Ce soir, je ne boirai pas de ton vin.

Ah pis, tu me saoules à la fin.

-Je te ferai l’amour et demain, nous ne ferons plus rien.

Nous irons là où ils ne seront pas.

-Nous n’avons jamais parlé la même langue.

«Qui hésite, se perd.»

-« Il est vrai que [notre] histoire ne marche pas sur la tête» -Marx

On met tout dans le même sac.

-Tu changes les règles; tu bafouilles tout et tu mets ma tête en enchère.

Je suis étrangère.

-Étranger dans un monde qui se déconstruit à la mesure qu’il se modernise. Je ne serai jamais postmoderne; ça serait pire que l’apocalypse.

«Parle-moi, parle-moi de toi, parle-moi de nous »

-Je préfère ta langue dans mes culottes que ta langue qui radotte.

«Les métaphores sont dangereuses. L’amour commence par une métaphore.»